mardi 2 février 2016

Pier Paolo et les lucioles




« Au début des années soixante, à cause de la pollution atmosphérique et, surtout, à la campagne, à cause de la pollution de l'eau (fleuves d'azur et canaux limpides), les lucioles ont commencé à disparaître. Cela a été un phénomène foudroyant et fulgurant. Après quelques années, il n'y avait plus de lucioles. (Aujourd'hui, c'est un souvenir quelque peu poignant du passé : un homme de naguère qui a un tel souvenir ne peut se retrouver jeune dans les nouveaux jeunes, et ne peut donc plus avoir les beaux regrets d'autrefois.) Ce « quelque chose » qui est intervenu il y a une dizaine d'années, nous l'appellerons donc la ''disparition des lucioles ''. »

Quel est donc ce moment que désigne la « disparition des lucioles » ? Celui de l'installation d'un système empoisonné de dictature consumériste et capitaliste moderne, de mercantilisme à outrance, de tolérance en tous sens et d'hédonisme forcené conduisant à la mort certaine de ce qui, dans le monde et l'humanité, pouvait être encore aimé. Toute l'oeuvre de Pasolini est construite sur cette protestation, sur cette exécration, sur cette condamnation multiforme de l'hédonisme marchand qu'il qualifiera un jour – au risque de déclencher une hostilité haineuse qui le harcèlera jusqu'à la fin – de fascisme pire que le précédent puisqu'il réussissait sans le moindre accroc là où l'autre avait échoué, c'est-à-dire dans l'asservissement de tous et de tout.

Jean-Paul Curnier, A Vif, Pasolini, La disparition des lucioles


On pourra lire aussi cet article de Courrier International sur les circonstances de la mort de Pasolini.