mardi 1 mars 2016

Verre à vitre




Tous les écrivains sont vaniteux, égoïstes et paresseux, et à la racine de ce qui les pousse à écrire réside un mystère. Écrire un livre est une lutte horrible et épuisante, c'est comme un long accès d'une douloureuse maladie. Personne ne voudrait jamais entreprendre une tâche pareille s'il n'était poussé par quelque démon irrésistible et incompréhensible. Pour le peu qu'on en sait, ce démon est simplement ce même instinct qui pousse un bébé à hurler pour qu'on s'occupe de lui. Et en même temps, il est également vrai de dire qu'on ne saurait rien écrire de valable sans livrer une lutte constante pour effacer sa propre personnalité. La bonne prose est comme un verre à vitre.

George Orwell, cité par Simon Leys